SLATE : Le football français a encore des buts à se fixer en matière d’écologie
Vincent Bresson fait un tour d’horizon du football français et de son impact écologique dans son article paru sur Slate.fr. À travers différents entretiens, dont celui avec Simon Mutschler, co-fondateur de Rebond, il soulligne finalement que « Malgré son titre de champion du monde, la France du football a encore du chemin à parcourir en matière d’écologie ».
Bonne lecture !
Alors que les supporters comptent les jours précédant la reprise du championnat français, le sport le plus populaire de l’Hexagone n’a pas encore pris conscience de son impact environnemental.
Munich, Budapest puis potentiellement Dublin, Saint-Pétersbourg ou même Londres. La bande à Mbappé aurait vu du pays cet été si l’Euro 2020 n’avait pas été décalé à l’année prochaine pour cause d’épidémie mondiale. Organisée dans douze villes hôtes éparpillées par petits bouts façon puzzle aux quatre coins de l’Europe, la structure de cette coupe européenne est unique en son genre. Les problématiques qu’elle va susciter aussi.
Les déplacements incessants vont venir bouleverser les habitudes des équipes chargées de l’organisation et les confronter à un véritable casse-tête: comment assurer au mieux la préparation physique des joueurs dans ces conditions? Mais les sportifs seront loin d’être les premières victimes de cette organisation alambiquée. En matière d’écologie, l’UEFA pouvait difficilement faire un choix plus mauvais. «C’est l’exemple absolu de ce qu’il ne faut pas faire», se désole Didier Lehénaff, président de SVPlanète, association de sensibilisation aux impacts environnementaux du sport.
Au sein du sport roi, les aberrations écologiques de l’Euro 2020 n’en font pas un cas isolé. Entre la climatisation des stades au Qatar, les longs trajets à travers la Russie lors de la dernière Coupe du monde et la construction de stades gigantesques, mais parfois peu fréquentés, au Brésil, quelque chose ne tourne pas rond. Et le football français n’est pas en reste.
Carton rouge
Le football suscite autant de passion qu’il émet de CO2. C’est dire. Construction de stades, déplacement des joueurs, éclairage, entretien de la pelouse: Football Écologie France, association qui travaille sur des projets écologiques pour ce sport, a sorti la calculette. Comptez 10 tonnes de déchets en moyenne pour un match de Ligue 1 et 100 millions de mètres cubes d’eau pour l’entretien des pelouses françaises chaque année. Comparé aux autres secteurs économiques, Antoine Miche, président de l’association, assure que «le foot a entre quinze et vingt ans de retard en matière de responsabilité sociétale des entreprises».
Quelques clubs étrangers ont fait des efforts comme l’Ajax Amsterdam dont les joueurs prennent occasionnellement le train. Mais les équipes du championnat français sont encore loin d’avoir généralisé cette pratique.
«Le foot a entre quinze et vingt ans de retard en matière de responsabilité sociétale des entreprises.»
D’après un article du Parisien, 82% des clubs de Ligue 1 effectuent leurs déplacements via des vols privés. «Quand on voit que le PSG va à Dijon en avion, mais que le bus du club y va vide… Il faut se poser les bonnes questions !», s’agace Didier Lehénaff.
Les impacts environnementaux générés par la cohorte des joueurs et des membres de l’organisation à l’occasion de leurs voyages n’est rien en comparaison des milliers de supporters qui se déplacent chaque week-end pour soutenir leur équipe préférée. «Les transports constituent une source majeure d’impact environnemental du football, puisque ce sport peut remplir des stades de 40.000 à 60.000 places en France», poursuit cet ancien triathlète de haut niveau. D’autant que les énormes parkings autour des stades n’incitent pas vraiment à troquer la voiture pour un mode de transport plus écoresponsable.
L’argent d’abord
En France, certains milieux sportifs semblent avoir pris conscience de leur impact sur l’environnement et s’affairent à le minimiser. Roland Garros fait, à ce titre, figure de bon élève. Alimentation responsable, lutte contre le gaspillage alimentaire, énergies renouvelables… Depuis plusieurs années, l’engagement de ce monument du tennis en faveur de l’environnement s’accélère. «Agir pour l’environnement ça demande du temps car cela passe par plusieurs phases. Le football en est loin, il peine encore à prendre conscience de cet enjeu», assure Didier Lehénaff.
Pour le président de SVPlanète, le coupable est tout trouvé: l’argent. «Les instances du football français semblent focalisées uniquement sur le “développement durable” de leur sport, surtout au plan économique.» Car si un match se gagne sur les terrains verts, les résultats sportifs dépendent étroitement des budgets d’un club. Les comptes bancaires des équipes du championnat de France sont loin d’approcher ceux de ses voisins anglais et espagnols. Avec le budget XXL du PSG sous l’ère qatarie et l’arrivée de Neymar, la Ligue 1 devient cependant de plus en plus attractive pour les investisseurs. Une rentrée d’argent qui représente une contrainte supplémentaire: pourquoi vouloir moins produire, miser sur un coûteux made in France ou même éviter l’agrandissement d’un stade quand projets sportifs et économiques sont si intimement liés?
Panneaux solaires, vélos et relocalisation
Le tableau n’est pas totalement noir. «En matière d’écologie, le foot français est à un niveau intéressant par rapport aux autres nations européennes», soutient Antoine Miche, qui estime qu’un changement est en train d’être amorcé. Au pays de Zidane, certains clubs font quelques menus efforts. De plus en plus de stades de l’Hexagone sont par exemple équipés de panneaux solaires. « L’Arena de Nice a été pensée dans les normes du Grenelle de l’environnement de 2007. Et les 7.000 mètres carrés de panneaux photovoltaïques qui le recouvrent en ont fait un stade à énergie positive. Le Stade Geoffroy Guichard de Saint-Étienne a également été rénové dans cette optique», décrypte Didier Lehénaff.
Les Verts ont une autre particularité: leur sponsor. Depuis plusieurs années, le Coq Sportif a fait le choix de relocaliser une partie de sa production dans son pays d’origine. Si certains maillots sont 100% made in France, c’est encore loin d’être le cas de l’ensemble de la production. À la tête de Rebond, une start-up de ballons écoresponsables, Simon Mutschler estime tout de même qu’une dynamique positive autour des conditions de fabrication des produits est en cours.
«Des choses sont en train de bouger, mais on peut se demander si ce n’est pas pour les clubs dans le seul but d’améliorer leur image.»
«Même si les clubs et fédérations ne sont pas toujours acteurs du changement, il y a des choses qui sont en train de bouger. Mais on peut se demander si ce n’est pas seulement dans le but d’améliorer leur image. Est-ce qu’ils iront au bout de leur volonté de changement quand ils verront les prix des produits écoresponsables?», s’interroge tout haut le jeune entrepreneur. Lancé en octobre dernier avec le FC Nantes, ses premiers ballons ont remporté un certain succès. «Plusieurs clubs sont rentrés en contact avec nous, comme le PSG, mais ce sont majoritairement des clubs étrangers, notamment Liverpool et le Bayern de Munich.»
La production est loin d’être le seul levier pour verdir le football. Les associations SVPlanète et Football Écologie France mettent en avant d’autres pistes: promouvoir la mobilité douce en multipliant les parcs à vélo aux abords des stades, faciliter le transport en commun, consommer local, utiliser davantage le réseau ferroviaire français pour les déplacements des joueurs et des supporters… Des solutions dans la droite ligne de celles proposées par les écologistes au niveau national.
Et demain ?
Si les Verts stéphanois n’ont pas retrouvé leur splendeur d’antan, dans le monde d’après, le Vert gagne du terrain. Victoires de candidat·es EELV aux municipales, plan de relance tournée vers des mesures écologiques, Convention citoyenne pour le climat… Le Covid-19 semble rebattre certaines cartes. Dans le football aussi, le développement durable pourrait peut-être marquer des points, même si Didier Lehénaff reste sceptique: «Dans la société, il y a une prise de conscience pour rendre le monde meilleur. Mais l’univers du football ne semble pas évoluer vers cette configuration, tant il est écrasé par la sphère économique. Pourtant, c’est un puissant levier pour faire changer les choses.»
Deux ans après avoir signé la Charte des événements écoresponsables promue par le ministère des Sports et un an après avoir signé un partenariat avec la WWF, les engagements de la Ligue de football professionnelle (LFP) n’ont pas produit une révolution verte. «Toutes les 4 minutes, l’équivalent d’un terrain de football de forêt disparaît sur la planète […]. Face à ce phénomène, il est important que tout le monde soit concerné», précisait pourtant Nathalie Boy de la Tour, présidente de la LFP. Peut-être est-ce prévu pour 2021? «La prochaine année peut être un révélateur. Je pense qu’on prend un virage dans cette direction. Avec tout ce qui se passe au niveau start-up et de la jeunesse, ils seront obligés de s’y mettre et d’ouvrir les yeux», parie Simon Mutschler.
Très peu suivis, ces effets d’annonce n’ont pas provoqué de séisme au sein des clubs, ni auprès des joueurs, au train de vie parfois très éloigné des considérations écologiques. Pourtant, à la suite du partenariat avec la LFP, Isabelle Autissier, présidente du WWF France, appelait les footballeurs à «devenir des champions de l’environnement». Malgré son titre de champion du monde, la France du football a encore du chemin à parcourir en matière d’écologie.
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